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XUEFENG CHEN 陈雪峰 

Née en 1975 à Kunming Yunnan ( Chine). Vit et travaille à Lyon ( France )

Diplômée de l’École supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg (DNSEP) en 2006                                                                  

Diplômée des Beaux-Arts du Yunnan (Kunming Chine) en 2000

Xuefeng Chen vécu tout son enfance dans un village du Yunnan, Elle quitte la Chine en 2001, installe en France depuis 2003. 

Les œuvres aux techniques mixtes de Xue-Feng Chen tissent avec ses broderies un lien ingénieux entre son Yunnan natal (Chine) et sa terre d’adoption française. Elles sont, avoue l’artiste, fortement influencées par sa mère, les traditions locales et le folklore de son enfance. Si la broderie est souvent associée aux ouvrages de dames de bonne famille, calées dans leurs fauteuils dans des salons au silence étouffant, Chen donne un nouveau sens au dicton « Le diable donne du travail aux mains oisives » avec ses constructions délicates, ses poupées brodées de motifs ouvertement sexuels ou violents, et ses grotesqueries. Sa Chinese Doll 3 (2008) aux ailes blanches repose sur des anneaux rose pâle et fuchsia ; son cœur rose et ses organes génitaux verts s’exhibent aux yeux de tous ; elle est criblée d’épingles de la tête aux pieds, comme une poupée vaudou ou un spécimen d’insecte dans la collection d’un naturaliste. Le Cercueil Blanc (2007),

Une tente en tissu blanc diaphane suspendue au plafond, évoque un rituel funéraire pour corps absent en lévitation. Organes, têtes grimaçantes, personnages schématiques (des pleureuses ?) et formes diverses sont cousus sur les panneaux. Le titre est évocateur, mais il est inutile de savoir s’il se rapporte à un moment particulier de la vie de l’artiste pour être ému par la grâce de cette structure. De prime abord, la toute aussi délicate Vie Primitive pourrait être pris pour un mural décorant une chambre d’enfant, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que les seize disques de tissu contiennent des silhouettes d’animaux en train de s’accoupler. Malgré ce thème résolument adulte, un esprit enfantin perdure dans ces formes relativement simples cousues de fils aux couleurs de bonbon, qui rappellent les dessins rapportés de l’école par de petites mains.

54e salon de Montrouge - 2009 

Texte par Vivian Rehberg, Traduction Denyse Beaulieu

 

- Mon Portrait de Xuefeng Chen: une artiste chinoise à Lyon

Si les mots Yunnan, cérémonies, art contemporain, broderie, arts décoratifs, Chine, France, sculpture, racines résonnent dans vos esprits, le travail de Chen Xuefeng trouvera certainement écho dans votre cœur et votre corps. Mon Portrait de Xuefeng Chen: une artiste chinoise à Lyon

Cette artiste chinoise est animée par le désir de transmettre. Ses œuvres sont là pour donner d’elle, de sa culture et de sa générosité. Créative, en mouvement, Xuefeng s’interroge et se questionne sur ses racines, son pays, sur l’humain, avant, maintenant et ensuite. D’où elle vient, ce qu’elle est et ce qui adviendra. Xuefeng souhaite que son art « ouvre une lumière sur les personnes 

Je vous emmène en balade à la rencontre de cette belle personne qui m’a ouvert les portes de son atelier dans le 3ème arrondissement de Lyon.

La graine

Xuefeng Chen est née dans le Yunnan en Chine. Elle passe 13 ans près de sa mère dans la campagne d’un petit village. Des montagnes, des grottes, de la terre rouge. La petite fille court nus pieds dans ces paysages. Ce qu’il y a derrière les montagnes ? Elle l’ignore. Sa pensée va sans limite entre lacs et montagnes près d’une maman un peu chamane qui connaît les rituels ancestraux. Le rouge et le rose des broderies traditionnelles parent le vert foncé et le marron de la forêt. Les esprits sont partout, l’esprit de l’eau, l’esprit de la montagne, l’esprit de l’arbre. Ils protègent, on leur rend hommage. Les images défilent sous les yeux curieux de Xuefeng. Attentive, les yeux ouverts et les oreilles alertes et respectueuses du bruit de la pluie qui tombe. 13 ans d’une enfance heureuse, entourée : « Je dois remercier mes parents de m’avoir donné un esprit aussi libre dans lequel il n’y a rien qui me coince. Pour moi petite, chaque jour était un voyage inconnu. Derrière le lac qu’y a-t-il ? On ne sait pas, peut-être qu’on tombe et qu’on meurt. Il n’y a pas de limites ».

La pousse

Quelques années plus tard Xuefeng est en voyage sur une route qui la mène à Zhongdian dans les contreforts du Tibet. Une voiture, une route étroite et sinueuse, à flanc. Un ravin. Un accident et une chute de 28m. Le choc et la chance. La chance d’être indemne, la chance d’avoir le choc qui remet toutes les idées de la jeune Xuefeng en place, tout devient clair : « Ca me donne une ouverture immense, j’ai l’impression que je comprends tout, la vie, la base, cette expérience-là m’a sauvée dans toutes mes moments difficiles de la vie. »

Des études aux beaux arts, dont une année à l’école des Beaux-Arts Hangzhou ou Xuefeng rencontre des professeurs qui ouvrent encore plus le cœur de la future artiste. Diplôme en poche, elle est en poste à Suzhou pour un contrat de 10 ans. Mais la jeune pousse a envie de lumière, elle veut de l’air et elle choisit celui de l’Allemagne. Sa curiosité la conduit en France, à Strasbourg à l’école des Arts décoratifs.

Le temps des questions. Baguette ou fourchette, fromage ou tofu ? Que faire de sa culture, que faire de la France ? La création, l’art est un chemin qui lui permet d’explorer ces territoires. Elle part à la recherche de ses sources, elle cherche dans l’art, dans les cultes et ses souvenirs lui reviennent. « Je suis une graine de pomme et je veux ouvrir ma fleur de pomme ».

La racine chinoise, les branches françaises

endant ses études en France ses recherches dansent autour des cultes, des cérémonies et tout lui revient, les gestes de sa maman, les dessins traditionnels chinois, les motifs traditionnels, les écritures, tout ce qu’elle a connu et vu pendant son enfance sans jamais vraiment l’interroger, sort de ses mains et de son ventre. Le papier découpé, la broderie, le textile, la sculpture. Xuefeng touche à ces techniques, elle les fait siennes et navigue dans ses racines pour faire pousser son arbre.  « Pourquoi est-on là ? Pourquoi vit-on ? Pourquoi nourrit-on ses enfants ? » A quoi elle répond « C’est juste pour le chemin de comprendre soi-même pourquoi on vit. ». Elle trouve et nomme ce qui la touche, ce qui la rend vivante, elle s’émeut devant une petite sculpture en terre datée de 300 av JC qui représente une déesse.

Le fruit, la penseuse

13 ans d’enfance en Chine dans le Yunnan, 11 ans de vie en Franc. Des expositions, des sculptures, un travail d’une sensibilité touchante, Xuefeng est une passeuse. Elle transmet les images de son enfance, revisitées par ses expériences et sa culture franco-chinoise.  Elle ne s’inscrit dans aucun courant particulier, elle ne cherche pas à faire partie d’un mouvement, elle aime juste parler de l’humain. Humble et éclairée Xuefeng équilibre sa création nourrie d’un imaginaire sans carcan.

Ses sculptures généreuses, rondes, sa maman qui fait des câlins au monde, sa Chine, ses ancêtres, sa France qui est devenu le soleil qui fait mûrir son fruit, ses broderies si fines si singulières… C’est sa vie qui est mobilisée autour du désir de retrouver l’humain. « Maintenant on est perdu, on est trop loin là, il faut revenir, il faut être un humain normal. Depuis qu’on est né on n’a plus d’oreilles, on n’a plus d’yeux, il y a trop d’images, trop de sons, où est la création originelle ? ».

Xuefeng Chen agit comme une onde de diffusion de sa culture et de ses fictions. Chinoise en France, la petite fille qui se cachait dans les grottes du Yunnan, se réfugie maintenant dans son atelier à Lyon, dans son domaine où elle peut entendre la pluie tomber et travailler sereinement.

Texte par Julie Mulot

 

 

- L’amoureuse: le monde symbolique de Xuefeng Chen 

Les idéogrammes, mis en exergue de ce texte, sont brodés sur une sculpture en ape- santeur, Cercueil blanc (2007). Cette sculpture consiste en un temple, une maison aux murs de mousseline, suspendu comme un fantôme, un spectre d’habitation, dont les murs sont brodés de fils colorés. Les broderies représentent des organes, des images d’accidents, d’opérations cliniques, des dates et des idéogrammes. C’est dans cette matière vaporeuse et translucide que l’artiste franco-chinoise Xuefeng Chen a inscrit un dicton chinois d’une extrême densité :

天长地久白头偕老。

(Tian Chang Di Yu Bai Tou Xie Lao).

Traduit mot à mot : « Ciel grand, Terre vaste, Tête blanche, Vieux enlacés ». Un serment d’amour éternel que les Chinois comprennent intuitivement, et que l’on pour- rait interpréter de la manière suivante : « Je te serai fidèle jusqu’à ce que tes cheveux blanchissent, et nous serons deux vieillards unis comme le ciel immense et la vaste terre. » Ce n’est pas un hasard si l’œuvre s’intitule Cercueil blanc, et chante la douleur d’une rupture amoureuse, ainsi que le deuil d’un pays quitté pour un exil volontaire en Europe.

Ce pays que Xuefeng Chen a quitté, c’est moins la Chine, peut-être, que la province du Yunnan, où elle est née en 1975, dans un village près de Kunming. Pour apprécier son

travail, il est bon de garder à l’esprit que le Yunnan est une province du sud-ouest, jouxtant le Tibet, frontalier du Myanmar, du Laos et du Vietnam, et qui est le lieu de vie de nombreuses ethnies minoritaires. A cet égard, le territoire natal de Xuefeng Chen, qui irrigue tant son inspiration d’artiste, appartient autant à la culture chinoise qu’au grand ensemble anthropologique et géographique de l’Asie du sud-ouest1. C’est une province montagneuse, peu développée économiquement, où les cultures anciennes, chamanistiques et minoritaires, ont perduré jusqu’aujourd’hui2. Toute visite à l’atelier de l’artiste, toute conversation avec elle sur son œuvre, montre que cette origine géo- graphique et culturelle l’a profondément influencée, tout autant que l’a influencée une mère, chamane et guérisseuse, dont elle a photographié les cérémonies sacrifi- cielles ainsi que les repas cultuels3.

De même, le choix des matériaux travaillés (céramique et textile) et celui des tech- niques employées (broderie, couture), sont des indications de son attachement aux cultures populaires de sa province natale. Même la simplicité de son dessin renvoie à la fois à la naïveté de l’art brut et aux formes des arts populaires du sud-est asia- tique. Tout cela crée un complexe esthétique qui rejoint malgré tout la tendance classique des peintres lettrés chinois à privilégier l’expression sur la représentation mimétique, ou, comme le disent les critiques contemporains, à préférer la « simpli- fication technique, mettant à la disposition des œuvres davantage de ressources expressives4. » Il en résulte que le travail de Xuefeng Chen se situe au croisement de l’art populaire, de l’histoire de l’art chinois, de la mythologie personnelle et des recherches de l’art contemporain.

Ecartèlement existentiel et artistique

La jeune artiste franco-chinoise, formée d’abord à l’école des beaux-arts du Yunnan avant d’enseigner l’art à Suzhou, et de parachever sa formation à l’école supérieure des arts décoratifs de Strasbourg, est travaillée par les questions de fidélité et de complétude. Sans doute parce qu’elle est en situation de déchirement géographique, sans doute aussi parce qu’elle expérimente, dans sa propre chair, à la fois la néces- sité de conserver son identité et l’impossibilité de la garder en l’état. Sa situation d’exilée volontaire en Europe place Xuefeng Chen de plein pied dans la tradition des créateurs chinois francophones, chez qui l’on constate une « incertitude identitaire » et une hésitation entre la sinité et l’universel5. Un grave accident de voiture dans les montagnes du Yunnan, ainsi que d’autres événements intimes, ne sont pas étran- gers non plus aux obsessions de la blessure et de la mort qui habitent les œuvres, et ajoutent une dimension éminemment personnelle aux récits énigmatiques de cet art complexe.

Or, Xuefeng Chen distribue différemment ces éléments de préoccupation en fonction de la forme artistique qu’elle adopte et de la matière qu’elle travaille : le tableau consti- tue l’espace de la confrontation entre l’écartèlement et le confinement, tandis que la sculpture est le champ de bataille entre la volonté de puissance et la fragmentation de l’individu.

Pour ce qui est des matières utilisées, la céramique et le textile témoignent de deux tendances bien distinctes : une impression de sacré se dégage des œuvres en céramique, qui semblent osciller entre un désir de prolifération et la prise de conscience de la fragilité humaine, alors que l’usage du textile indique plutôt un partage entre l’évanescence et la douleur, des sensations de légèreté (temple flot- tant, cercueil blanc ailé) marquées par des déchirures et des blessures des corps.

Ces « couples d’opposés complémentaires » font écho à ce qu’Anne Cheng décrit comme « la vision chinoise du monde et de la société6 » structurée par des oppositions disjonctives, qui ne demeurent pas binaires mais s’ouvrent sur un troisième terme. En l’occurrence, dans les œuvres de Xuefeng Chen, les oppositions formelles sont reliées par un troisième terme, qui pourrait n’être autre que le vide dans lequel baignent les éléments figuratifs.

Texte par Guillaume Thouroude

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